Retour sur la conférence « Où se déplace la valeur de la donnée en santé ? » © Care Insight

 Dans actu

La start-up Embleema, via son application basée sur la blockchain PatientTruth, cherche à placer les patients au centre de l’exploitation des données de santé en leur permettant de partager en ligne ces informations avec les communautés médicales, a expliqué Vincent Galand, operations manager au sein de l’entreprise, à l’occasion de l’afterwork « Valeur de vos données de santé : qui la détient ? », organisé le 13 novembre 2018 par la société Care Insight pour l’association Amiens Cluster, dans le cadre de la Health Data Week (HDW). L’objectif, précise-t-il, est de développer une place de marché pour que ces informations, une fois anonymisées, puissent être vendues à des fins de re- cherche.

Lors de la table ronde est revenue une question centrale : comment faire du patient un acteur de ce système et doit-il être rétribué pour l’exploitation de ses données ? Il est ressorti des échanges qu’un travail d’acculturation devait être réalisé par les profession nels de santé et par la mise en place de politiques de santé adaptées afin de gagner en transparence et de gagner la confiance des patients.

À l’issue de la discussion, Anca Petre, directrice des opérations et co-fondatrice de 23 Consulting, a insisté sur les avantages d’un usage de la blockchain dans le secteur de la santé, permettant une duplication et un stockage sécurisés des données entre tous les acteurs.

Données de santé : une valeur monétisable

Aux États-Unis, certaines organisations payent les patients pour qu’elles puissent exploiter leurs données, une procédure qui n’est pas autorisée en France, rappelle Béatrice Falise-Mirat, directrice scientifique de Care Insight. « Comment peut-on financer ces données ? Doit-on rétribuer les producteurs de données ? », questionne-t-elle.

Selon Isabelle Hilali, directrice générale du Centre de recherches interdisciplinaires (CRI) et administratrice du Healthcare Data Institute, l’essentiel est avant tout de se demander à qui appartient la valeur des données. Elle prend l’exemple du secteur pharmaceutique. « Quand on scanne une ordonnance dans une officine, cette dernière récupère la donnée. La valeur de l’information va être définie en fonction de sa valeur finale. La question est de savoir qui est prêt à l’utiliser. La valeur créée est ainsi monétisable. »

Enjeu : rendre le patient acteur de l’exploitation des données

Quid du patient ? « Il est assez peu présent dans le processus d’exploitation des données alors qu’il en est à l’origine, souligne Béatrice Falise-Mirat. Comment peut-il devenir acteur ? »

Embleema envisage une rémunération des patients dont les données peuvent contribuer à la recherche

Vincent Galand explique que Robert Chu, le P.-D.G. d’Embleema, a voulu à travers son entreprise « créer un système plus centralisé sur le patient ». Il prend en exemple le cas de la patiente Hen- riette, atteinte d’un cancer de l’utérus. « De par l’étude de son cas, elle a contribué à des avancées pour la science mais elle est décédée dans la pauvreté. Embleema veut éviter cela grâce à la technologie blockchain visant à décentraliser, à  désubériser « ce système. »

Vincent Galand poursuit en indiquant qu’Embleema a récemment ouvert un consortium avec les régulateurs pour « créer un nouveau monde ». « Nous avons travaillé avec Alain-Michel Ceretti (président de France Assos Santé), qui s’est dit très intéressé ». L’objectif est de « faire gagner du temps en recherche avec des données granulaires et une rémunération des patients qui peuvent contribuer directement à la recherche ». En clair, le but est de développer une place de marché pour que ces données médicales soient vendues à des fins de recherche.

Des données vendues sans intermédiaire

Avec l’application PatientTruth proposée par Embleema, basée sur la technologie de la blockchain, les patients peuvent partager leurs données de santé avec les communautés médicales. Pour l’instant, seules les informations provenant des objets connectés de Fitbit sont concernées en France, mais la start-up souhaiterait ajouter à son système les données du dossier médical électronique.

Lorsque au cours de la table ronde l’entreprise est comparée à PatientsLikeMe, qui agrège les informations issues de son réseau social où des personnes atteintes de certaines maladies spécifiques peuvent échanger des informations sur leur traitement et leur expérience pour vendre des études à l’industrie pharmaceutique, à des assureurs ou à des fabricants d’équipements médicaux, Vincent Galand répond que l’entreprise américaine vend les données directement aux industriels alors qu’avec Embleema, il y a une « désintermédiation » . Les données sont vendues à des fins de recherche sans intermédiaire ».

Quant à la sécurisation des données, Vincent Galand admet qu’elle n’est pas absolue mais comme il est possible de les décentraliser, « le système est plus sécurisé que les bases de données actuelles ».

Un problème central : le manque de compréhension et la méfiance des patients vis-à- vis de l’exploitation de leurs données

Françoise Benon, présidente nationale de France-AVC, insiste de son côté sur le manque d’acculturation des patients face à ce sujet. « Ils ne comprennent pas comment sont exploitées leurs données ou ne le savent pas, ils sont méfiants », souligne-t-elle. Elle évoque le PassCare, une carte de santé numérique à destination des adhérents de France-AVC contenant leur dossier de santé et un système de géolocalisation pour intervenir rapidement en cas d’urgence. Dans le cadre de ce projet, « nous sommes confrontés à un problème de méfiance de la part du grand public, décrit- elle. Il y a encore du travail à faire vis-à-vis du patient et du futur patient. »

« Le patient veut surtout comprendre son état de santé. Puis-je déposer mes données génomiques indépendamment de toute rémunération ? », interroge une personne du public. Vincent Galand répond qu’aux États-Unis, Embleema travaille avec Fitbit et qu’il existe des plateformes de données génomiques afin d’intégrer ces données-là, cependant, en France, précise-t-il, il est « interdit de vendre ses données de santé nominative et de faire séquencer son génome ». « Embleema permet que le patient soit responsable du traitement de l’anonymisation de ses données, qu’il peut revendre mais il n’en est pas obligé. L’intention est d’aboutir à un changement de paradigme, de donner tout le potentiel au patient et de pouvoir faire avancer l’analyse des données. »

Keynote : « la Blockchain apporte transparence et intégrité » (Anca Petre, 23 Consulting)

En pleine émergence dans le secteur de la santé, la technologie de la blockchain était au cœur de la keynote proposée à l’issue de la table ronde par Anca Petre, co-fondatrice de 23 Consulting, une start-up française dont l’objectif est d’aider les entreprises de santé à comprendre, à conce- voir et à mettre en œuvre des solutions blockchain.

La blockchain sécurise le partage des données (A. P.)

Selon elle, « la meilleure façon » de partager des informations médicales avec tous les acteurs du secteur « en tout intégrité » est d’utiliser la blockchain, qui, ajoute-t-elle, « sert à trois choses » : « créer des registres de traçabilité et enregistrer des échanges de valeurs allant d’un destinataire à un autre ». Enfin, elle permet le partage des données à une communauté restreinte d’utilisateurs définis et autorisés.

Appréhender la blockchain dès maintenant pour ne pas l’utiliser malgré soi

« La blockchain sert à créer des registres de traçabilité », note Anca Petre, co-fondatrice de 23 Consulting. –

page3image17872

Anca Petre précise qu’avec cette technologie, qui permet de dupliquer les informations et de les stocker de manière sécurisée entre tous les acteurs autorisés, toutes les parties impliquées bénéficieront d’une copie du registre en question. « La blockchain apporte transparence et intégrité », avance-t-elle.

Il est essentiel de saisir dès à présent les enjeux de cette technologie et de l’utiliser dès aujourd’hui, bien qu’elle ne soit « pas simple à appliquer », car, sinon, « vous l’utiliserez malgré vous », insiste Anca Petre.

Articles récents