Zoom sur le projet NAIMA de notre adhérent TIAMAT

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Découvrez le projet NAIMA, ses objectifs et enjeux à travers une interview de Iona Moog, Chief Technical Officer chez TIAMAT. NAIMA est financé par la commission européenne à hauteur de 8M€ et regroupe 15 partenaires venant de 7 pays différents.

Quelle est la situation actuelle en matière de recherche, de technologie et de production des batteries sodium-ion ?

Pour le moment, les batteries Sodium-ion ne sont pas produites et commercialisées massivement. Ni le grand public, ni les entreprises (B2B) ne peuvent s’en procurer, contrairement aux batteries Li-ion. Pourtant, les recherches sur ces batteries ont commencé en même temps que celles sur la technologie Lithium, dans les années 60. Face au succès du Li-ion dans les années 1990, les chercheurs se sont focalisés sur cette technologie et la recherche sur le Na-ion a été mise de côté. Ce n’est que depuis le début des années 2010 que nous notons un regain d’intérêt.

Désormais, plusieurs laboratoires nationaux et grandes entreprises internationales ont des programmes de recherche centrés autour de ces batteries. On cherche en grande partie à remplacer le lithium et certains matériaux problématiques comme le Cobalt ou le Nickel, qui entrent dans la fabrication des batteries Li-ion.

A terme, certains modèles prévoient une diminution des prix des batteries en utilisant du sodium. Mais ça ne serait possible qu’avec une industrialisation de masse et nous en sommes encore loin. TIAMAT fait partie des quelques start-ups qui ont été créées ces dernières années en Angleterre ou en Chine notamment pour accélérer le développement et la mise sur le marché des batteries Na-ion. Actuellement, des prototypes sont fonctionnels mais il reste des zones à améliorer pour être compétitif. La chaine de distribution des matières composant la batterie Na-ion doit également être étendue davantage, même si beaucoup de composants sont communs avec la technologie Li-ion et déjà largement disponibles, principalement en Asie.

Pourriez-vous nous parler du projet NAIMA ? En quoi consiste -t-il ?

Le projet NAIMA vise à accélérer la production des batteries Na-ion en Europe en améliorant les connaissances à ces systèmes et en optimisant pour qu’ils soient d’avantage compétitifs et qu’ils bénéficient de plus de visibilité.

Tous les aspects de la chaine de valeur de la fabrication des cellules sont couverts : de la R&D et production des « matières premières », au prototypage, tests, à l’intégration des cellules en modules/packs et finalement au recyclage et à la fin de vie des cellules.

Le projet a commencé en décembre 2019 et durera 3 ans. C’est un mélange équilibré de recherche fondamentale, développement et tests dans un environnement reproduisant des conditions d’utilisation réelle. Nous voulons améliorer toutes les différentes parties de la batterie : des composants « chimiques » au pack final incluant le système de management de la batterie, c’est-à-dire quand plusieurs cellules sont assemblées ensemble pour faire un pack. Comme la technologie Na-ion est relativement nouvelle, il est important d’optimiser les systèmes existant pour le Li-ion et de les adapter au mieux.

Des industriels comme Solvay, Umicore ou EDF viennent prêter main forte à des laboratoires de recherche en France, Belgique, Slovénie ou encore aux Pays-Bas pour développer 3 prototypes fonctionnels intégrant des batteries Na-ion.

Une des applications est centrée autour de l’industrie 4.0 :  pour faire simple, des batteries intégrées dans des robots. Le second volet concerne du stockage stationnaire et lissage de réseau : stocker l’énergie générée par des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes et s’assurer qu’elle ne perturbe pas le bon fonctionnement du réseau électrique. Deux « familles » de cellules seront donc produites. La première se focalise sur des applications où de forts courants de charge et décharge sont nécessaires pour des milliers de cycles (batteries de puissances) et qui se retrouvent notamment dans les batteries 48V ou de démarrage. La seconde vise de plus larges systèmes de stockage stationnaires et veut donc être compétitif le plus possible avec le Li-ion en termes de prix. Certains composants de ces deux batteries sont donc différents, ce qui rajoute un défi supplémentaire. C’est ambitieux, mais nous voulons couvrir le plus d’options possibles pour avoir une idée très nette de la marge de progression de ces systèmes.

Quels sont les principaux objectifs du projet et quelles sont ses ambitions européennes ?

Les objectifs du projet sont multiples. Nous voulons compléter et accélérer la R&D fondamentale sur des systèmes « complets » de cellules. Souvent, les laboratoires de recherche académiques se focalisent sur une ou deux parties de la cellule et peu de tests sont réalisés sur une cellule fonctionnelle. Nous pouvons ainsi voir toutes les synergies entre les composants dans le projet et ainsi définir les paramètres limitants et à améliorer.

Nous souhaitons également développer une filière européenne des batteries Na-ion, et en particulier pouvoir se procurer le plus de composants possibles en Europe. C’est pourquoi la présence des industriels dans le projet est indispensable.  Cet objectif de filière européenne est en outre commun avec les grands projets européens de « Gigafactories ».

Enfin, nous voulons évaluer, à la fois techniquement et économiquement, la technologie Na-ion et les deux familles étudiées dans le projet et avoir ainsi une idée précise et réaliste sur les capacités actuelles et futures. Quelles sont les marges de progression ? Vers quelles autres applications pouvons-nous nous tourner ?

Quels sont les partenaires du projet et le rôle de chacun ?

De manière très simplifiée ! Le CNRS, NIC (Slovénie) et IHE Delft (Pays-Bas) seront en charge de la R&D concernant la « chimie » des cellules : électrodes positives et négatives et leurs composants et électrolyte ainsi que l’amélioration des composants utilisés. Par exemple, si un des matériaux intègre un élément peu éco-responsable, on cherche une nouvelle formule pour le substituer tout en gardant les mêmes performances.

Deux partenaires sont semi-industriels/semi privés : le CEA qui s’occupera de la recherche sur l’électrode négative et sera également impliqué dans l’intégration des cellules Na-ion en modules. Vito, en Belgique, a la charge de l’optimisation du « BMS », le système de management de la batterie qui suit l’état de charge et de santé des cellules notamment. C’est lui qui indique que votre batterie est à moitié chargé sur votre téléphone. Si les modèles sont connus pour le Li-ion, ce n’est pas encore le cas du Na-ion et ceci doit donc être développé.

Du côté industriel, TIAMAT s’occupera de la production et des tests initiaux des cellules, en plus de la coordination du projet. Biokol, Solvay et Umicore travailleront sur les matériaux d’électrodes positives et négatives des cellules, deux composants primordiaux. Solvay aura en plus en charge la R&D de l’électrolyte des cellules.

EDF, Gestamp (Espagne), Goldline et IEIT (Bulgarie) seront en charge des tests des batteries en conditions réelles. Goldline testera le stockage stationnaire et Gestamp, dans une logique plus « industrie 4.0 » les cellules de puissance. EDF testera les deux systèmes, mais se focalisera sur les cellules de puissance pour des simulations d’intégration en tant que modulateurs de puissance.

Pour finir, Accurec (Allemagne), sera en charge de la partie recyclage des cellules. Zabala (Espagne) aide TIAMAT dans la coordination du projet et va gérer toute la partie dissémination, communication et valorisation.

Quelle est l’implication de TIAMAT et des équipes du RS2E dans le projet NAIMA ?

TIAMAT est le coordinateur du projet et plusieurs membres du RS2E sont présents dans NAIMA : le CNRS et les 5 laboratoires de recherche qu’il regroupe, dont le LRCS à Amiens. Le CEA à Grenoble, EDF, UMICORE ainsi que Solvay font également partie de NAIMA. Le réseau est donc représenté de manière très importante dans ce projet.

Quel est le budget global du projet ? Est-ce un indicateur positif pour l’attractivité de la ville d’Amiens ? et pour le cluster Energeia ?

Le budget global est de 8M€. C’est très positif pour le laboratoire LRCS et la ville d’Amiens. En 2019 et 2020, la commission européenne a lancé environ 15 appels à projet autour de l’énergie. Entre 2 et 3 projets sont financés par appel à projets. Nous faisons donc partie de la cinquantaine de projets sélectionnés. C’est très compétitif, les taux de réussite sont inférieurs à 10% !

C’est une grande fierté que de voir notre expertise et nos ambitions reconnues. Cela montre que les investissements réalisés au Hub sont directement visibles à l’international. La présence de TIAMAT dans les locaux du LRCS est en outre un très bon vecteur de transfert technologique et permet un passage rapide de la recherche fondamentale à des tests opérationnels. TIAMAT s’appuie sur son réseau local, et notamment sur le cluster Energeia pour son développement et son déploiement à l’échelle national et international. Obtenir ce projet montre que les synergies fonctionnent et que nous allons dans la bonne direction.

Quelles sont les différentes phases de déploiement du projet NAIMA sur les trois années à venir ?

La première année, nous allons nous concentrer sur les différents composants à l’échelle du laboratoire : déterminer quels sont les meilleurs candidats et combinaisons pour avoir les systèmes les plus fonctionnels et les cellules les plus performantes. Ces tests initiaux se font sur des matériaux produits en petite quantité, la centaine de grammes/mL.

Ensuite, il faudra augmenter l’échelle de fabrication pour obtenir plusieurs kg de ces mêmes matériaux tout en gardant les mêmes propriétés et préparer le BMS et l’intégration des cellules en modules. Ce sera le travail de l’année 2. Sur le papier, ça a l’air plutôt simple, mais en réalité, c’est une étape très complexe souvent liée à des effets d’échelle qu’il faudra gérer.

Pour finir, en année 3, nous allons assembler les cellules et les tester, puis les recycler. En parallèle, des études d’analyse de cycle de vie et d’optimisation de BMS seront réalisées.

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